Anxiété de séparation, agressivité, phobie, coprophagie (se nourrir de matières fécales), hyper-attachement, déficit de l'attention, troubles compulsifs, troubles de la personnalité, etc. La liste de ce que l'on considère souvent comme des troubles du comportement chez le chien ne cesse de s'allonger chaque année. Il est important de définir avec précision la liste des troubles possibles chez le chien, leur nature et origines.
Troubles du comportement du chien : définitions
La notion de comportement
Un comportement peut se résumer comme la partie d'une activité qui se déroule devant un observateur. Il s'agit de l'expression d'un état émotionnel ou la réaction à un état émotionnel. Chez le chien, le comportement est dicté par la survie. Même les comportements sociaux entre les chiens ou avec l'homme ne tendent que vers ce but.
Théorie de l'évolution
Cette théorie, ou plus exactement la théorie de la sélection naturelle, est très intéressante pour comprendre l'émergence et l'évolution des comportements chez un animal. Elle est basée sur 3 principes :
- Principe de variation : les individus diffèrent tous les uns des autres quelle que soit l'espèce.
- Principe d'adaptation : ceux qui s'adaptent le plus survivent mieux. L'adaptation est permanente.
- Principe d’hérédité : les caractéristiques avantageuses se transmettent au détriment de celles désavantageuses.
Ces principes ne sont pas isolés. Ils en forment un seul résumant toute la théorie : les variations d'un individu ou d'une espèce tendent à sa préservation et à la transmission héréditaire de cette variation pour survivre (adaptation). En clair, s'il n'y a pas de variation, il y a extinction.
Chez l'animal domestique
La théorie de l'évolution présente toutefois une interrogation en ce qui concerne le chien. En effet, cet animal domestique et sa reproduction (donc la transmission héréditaire) sont majoritairement contrôlés par l'homme sur des critères de viabilité, mais nullement d'adaptation naturelle :
- La notion même de standards de race va à l'encontre de cette évolution puisqu'ils tendent à conserver la race au plus près de ses caractéristiques génétiques initiales, la bloquant en quelque sorte.
- Plus encore, quand l'évolution des critères a lieu, elle tend vers des caractéristiques adaptées ou voulues par l'homme uniquement. On peut maintenant presque avoir des chiens sur mesure (apparence, taille, poids, pelage, couleur des yeux, etc.), même au sein d'une race en particulier.
- S'il existe plus de chiens sans pedigree que de chiens de race (à peine 1/6), ils sont néanmoins tous le produit de près de 15 000 ans de domestication.
Ce constat serait-il une cause potentielle de troubles comportementaux ?
Troubles liés à la reproduction
La reproduction contrôlée n'a pas que des avantages, surtout si les critères sont avant tout mercantiles. La volonté de produire des sujets toujours plus beaux est de nature à favoriser l'émergence de malformations, pathologies chroniques, faiblesses, dégénérescences, avec le développement de comportements associés. Et la consanguinité n'est pas la cause de tout, loin de là. Lorsque l'on est souffrant ou amoindri, on est moins enclin à être « sympathique » qu'en pleine forme ; c'est la même chose chez l'animal.
Question de la zoopsychiatrie
Troubles zoopsychiatriques
La zoopsychiatrie constitue en quelque sorte la tendance du moment avec l'apparition de syndromes et de traitements médicamenteux spécifiques, dérivés de la psychiatrie humaine. Dérive vétérinaire pour certains, lobbying des laboratoires pour d'autres, pression ou exigence sociale entend-on encore, la réponse n'est vraiment pas évidente en l'état. Au regard du chien, cet être vivant bien particulier, cette réponse devrait suivre une démarche logique et empathique.
Palo Alto et l'antipsychiatrie
C'est dans la ville de Palo Alto en Californie qu'au début des années 1950 des chercheurs se sont penchés sur des problématiques importantes : la psychologie, la pycho-sociologie, la thérapie familiale, les sciences de l'information et de la communication, et même la cybernétique. On peut citer Grégory Bateson ou Paul Watzlawick qui ont laissé un héritage considérable aux sciences modernes du comportement. L'une des expériences menées par ces chercheurs est particulièrement amusante et éclairante ici. On la résume sous le nom d'antipsychiatrie :
- En résumé, 2 psychothérapeutes ne se connaissant pas ont été convaincus qu'ils allaient recevoir chacun un patient dont le délire paranoïaque était de se prendre pour un psychologue clinicien.
- Toutefois, lesdits patients étaient ces 2 psychothérapeutes, aucun ne sachant que l'autre en était aussi un.
- Résultat : plus chacun se comportait en vrai psychothérapeuthe (croyant que c'était l'autre le patient), plus il avait la conviction que l'autre souffrait d'un délire paranoïaque.
Quel rapport avec la zoopsychiatrie ? Le diagnostic psychiatrique peut parfois être entaché d'idées préconçues, pouvant même venir d'un tiers, faisant autorité ou non. On retrouve cette conclusion au niveau de la délivrance quasi systématique de psychotropes par des médecins généralistes. Ils doivent soigner et subissent déjà la pression de ce devoir. D'un côté les autorités scientifiques, politiques, sociales, et les lobbies, de l'autre les patients, eux-mêmes sous la pression des médias, de la publicité, des charlatans, de la famille et des amis, de courants scientifiques divers et variés, voire antinomiques, etc.
Concernant le chien, le problème est le même. Les idées préconçues sur cet animal sont légion, plus à même de fausser tout diagnostic que le favoriser. Et cela est notamment dû à une influence majeure, l'anthropomorphisme.
L'anthropomorphisme dans les troubles du comportement du chien
L'anthropomorphisme est l'attribution de caractéristiques comportementales ou morphologiques humaines à d'autres entités comme des dieux, des animaux, des objets, des phénomènes, voire des idées :
- Il se manifeste principalement, au niveau animal par la projection de nos perceptions humaines sur les comportements des animaux.
- Ainsi, un chien va être jaloux, rancunier, têtu, méchant, gentil, fidèle, mais aussi stressé, anxieux, abattu, peureux, dépressif, etc. On lui prête même parfois de la schizophrénie (trouble dissociatif), définie par une dissociation du chien à notre réalité, victime même d’hallucinations (sources : Dʳ Dehasse et Pageat). Or, comment le chien peut-il avoir notre réalité ?
Cette forme extrême de l’anthropomorphisme va à l'encontre de toute méthodologie et approche éthologique, selon le canon de Morgan : « Ne jamais chercher à expliquer un comportement par des causes de niveau supérieur quand elle peut l'être par celles d'un niveau inférieur. »
Mais le « diagnostic » préalable du maître peut également largement influer sur la réponse médicale. On va malheureusement souvent chercher auprès d'un vétérinaire la confirmation médicale que son chien a bien un « problème », car c'est en général toujours ce dernier qui en a un.
Troubles biologiques
Qu'ils soient qualifiés de biologiques ou génétiques, ce type de troubles existe. Certains irréversibles, d'autres non. Ce ne sont pourtant pas des troubles du comportement :
- Ils peuvent juste provoquer des comportements inadaptés ou incompréhensibles. Mais ici nous sommes dans le domaine médical, pas psychiatrique. C'est d'ailleurs manifeste dans le cas du « chien schizophrène » où une régulation de la dopamine et de la sérotonine (cause biologique) permet souvent un retour à la normale. Cependant, ce type de pathologie reste rare.
- Par ailleurs, des symptômes comportementaux équivalents peuvent très bien indiquer tout autre chose, nettement plus bénigne, sans nécessiter de traitement médical. Dans ce cas, il faut être un expert en comportements pour éviter de tomber dans l'excès, voire l'abus médical.
- Des maladies vont également pouvoir influer sur le comportement. Les soigner ou au moins les soulager va de soi. Mais cela peut ne pas être suffisant, nécessitant également d'autres prises en charge.
- Enfin, des formes d'éducation/dressage (coercition, mais pas seulement) sont également à même de provoquer des troubles biologiques, entraînant des troubles comportementaux qu'il faudra certainement traiter, mais pas sans traiter la cause du comportement incriminé.
Des troubles génétiques ?
Nous évoquerons ici les influences génétiques ou héréditaires qui sont quelquefois avancées, mais surtout supposées.
Le gène psychopathe
Un gène psychopathe a été découvert chez l'homme, transmissible. Néanmoins, dans la population incarcérée pour crime psychopathe, moins de 1/3 des individus le possède. C'est pratiquement le même pourcentage qui est recensé dans la population non incarcérée : vous, moi, nous tous. Cela voudrait-il dire qu'il y a beaucoup plus de psychopathes en liberté que sous les verrous ?
- Cela nous indique bien plus que la présence d'un gène ne suffit pas à activer un comportement propre à celui-ci.
- En revanche, le point commun de ces criminels psychopathes, porteurs du gène ou non, est un environnement similaire au niveau de l'enfance (maltraitance, viol, manque d'affection ou hyperprotection, manque de repères, solitude, etc.). Cela signifie qu'un gène rend plus probable l'apparition du comportement associé ; mais sans le contexte propice à cela, il a peu de chance d'en manifester ses effets.
Gènes comportementaux chez le chien
Des gènes spécifiquement comportementaux n'ont pas encore été découverts chez le chien, et il serait très regrettable d'en anticiper l'éventuelle découverte. Même l'agressivité, quand elle est d'ordre biologique, est généralement due à une surproduction d'adrénaline (et non pas de testostérone) :
- Bien sûr, des gènes comme celui de l'aboiement ont été identifiés, mais sa présence est-elle anormale chez un chien ? À moins que l'on veuille le modifier pour que les chiens n'aboient plus, ce qui serait dès lors totalement contre nature.
- Remarquons également que des vétérinaires liment parfois les dents de chiens pour éviter qu'ils fassent trop mal en mordant. Mais nous demandons-nous pourquoi ces chiens mordent-ils ?
Troubles du comportement du chien, quels sont-ils vraiment ?
Il existe de vrais troubles du comportement non biologiques, du moins dans leur véritable origine. On retiendra qu'ils peuvent provenir de 2 contextes : les conditions d'élevage ou les conditions environnementales.
Troubles du développement
En dehors des troubles spécifiquement liés à la reproduction (génétique), les conditions d'élevage sont le premier facteur de développement potentiel de troubles avérés et identifiés. La privation sensorielle ou relationnelle, la maltraitance, la malnutrition, etc. vont marquer de manière indélébile un chien dès lors que cela se sera déroulé lors de ses 3 premières semaines de vie. Le bien connu syndrome du chenil en est un exemple :
- Pourtant, des chiens affectés par celui-ci arrivent très bien à vivre dans une famille avec quelques aménagements non médicamenteux, mais relationnels.
- Cependant, des chiots développant très tôt une agressivité permanente n'auront aucune chance de pouvoir s'intégrer, pas même avec un traitement médical, conduisant à la solution extrême de l'euthanasie.
Une socialisation aux congénères et à l'humain mal conduite, entre 4 et 8 semaines, pourra être un handicap, mais pas du tout insurmontable ni irréversible, et cela presque naturellement (selon la théorie de l'évolution).
Bon à savoir : un formulaire en ligne permet de signaler à la gendarmerie ou à la police nationale, de manière confidentielle et anonyme, tout acte de violence ou une privation de soins sur animal.
Troubles du conditionnement
Éducation canine, dressage, sports canins, concours sont à même de développer des troubles du comportement qui vont du léchage intempestif (automutilation) à l'auto-instrumentalisation (attaque directe sans menace). Les effets d'un mauvais conditionnement sont d'abord symptomatiques :
- d'un défaut majeur de communication entre l'homme et le chien ;
- d'une souffrance aiguë du chien.
On ne traite pas ni ne corrige un trouble du comportement par l'éducation/dressage, c'est une illusion. Par contre, cela peut être très utile pour instaurer de bonnes pratiques et relations, proposer au chien d'autres comportements que ceux jugés inadaptés, qu'il adoptera d'autant mieux qu'il n'en aura plus le besoin manifeste.
Troubles relationnels
Pratiquement tous les troubles qui ne sont pas d'origine génétique ou biologique proviennent avant tout de problèmes relationnels. La possession même d'un chien induit, à l'origine, le développement possible et probable de troubles relationnels (dans le cadre d'une relation de l'homme au chien). Faut-il pour cela culpabiliser ? Comme le disait Michel Chanton, dans Le chien, un homme pas comme les autres : « On peut vivre sans chien, mais c'est dommage. » Cela signifie que si l'on ne veut pas avoir de problème avec un chien, il vaut mieux ne pas en avoir. Mais on peut aussi se faire un devoir d'essayer de le comprendre le mieux possible et d'essayer de s'en faire comprendre le mieux possible, cet animal ayant une capacité d'apprentissage par mimétisme hors du commun.
Méthodologie d'investigation
Quoi que l'on puisse en penser, il n'est pas possible, en observant juste un comportement, d'en déterminer la cause ou l'origine. On peut suspecter une origine médicale, environnementale ou autre, mais sans investigation, celle-ci ne pourra jamais être déterminée correctement. On pourra en masquer les effets, les réduire, mais rarement être certain qu'ils ne réapparaîtront pas. Deux professionnels sont les mieux placés pour vous aider à faire face à la situation et y apporter des réponses fiables : le vétérinaire et le comportementaliste canin.
Le vétérinaire
Le vétérinaire est seul habilité à diagnostiquer, soigner, traiter, prescrire et opérer (chirurgie), au niveau animal. En cas de troubles supposés, une visite médicale, voire quelques analyses plus poussées, seront toujours un bon préambule permettant d'écarter ou de mettre en avant, suivant le cas, une cause médicale (non psychiatrique). Trois questions majeures seront alors à se poser :
- Le trouble présenté est-il la conséquence d'un désordre biologique ou génétique ou bien de l'environnement du chien ?
- Le diagnostic est-il fondé sur une observation stricte et objective de la situation ou une réponse à une proposition, directe ou indirecte, émanant d'un tiers (selon les notions d'antipsychiatrie ou d'anthropomorphisme) ?
- La réponse médicale met-elle fin totalement ou partiellement aux causes du trouble diagnostiqué ou seulement à (certains de) ses effets ?
Le comportementaliste canin
Le comportementaliste canin est spécifiquement formé pour aider à comprendre et apporter une solution globale aux problèmes comportementaux du chien, à titre curatif comme préventif. Il n'a pas de médicaments à vendre, ni de séances, ni de méthodes, ni de thérapie ou rééducation comportementale. Il ne propose que son expertise, en général en une seule séance avec suivi intégré :
- C'est avant tout un analyste et un pédagogue qui connaît bien le chien, particulièrement dans son environnement familial et social.
- Il n'interviendra jamais directement sur le chien, pas plus qu'au niveau médical ou éducatif, mais il saura localiser la source des troubles supposés et proposer la bonne démarche à adopter.
- S'il suspectait toutefois une cause médicale, il se doit, sur un plan éthique, de suspendre sa mission et de suggérer des investigations vétérinaires.
- S'il proposait des séances d'éducation/dressage, il serait également en infraction avec son éthique (conflit d'intérêt).
Bon à savoir : un peu tout se côtoie dans le milieu du chien, le meilleur comme le pire, aucune profession y échappant d'ailleurs ; renseignez-vous bien afin de trouver un professionnel compétent et sérieux.