Développement et éducation du chiot vont de pair, chaque phase de développement correspondant à une phase d'éducation. Mais de nombreux facteurs peuvent influencer le comportement futur du chien, dès l'acte de reproduction. En effet, si la transmission génétique est la base de la formation d'un individu comme le chien, la transmission des savoirs et des comportements est essentielle à la survie et l'adaptation.
L'éducation du chiot se joue avant la naissance
Dès la reproduction
Le chien étant un animal domestique, c'est généralement l'homme qui décide de la reproduction. Dans la nature, une chienne ne choisirait pas le premier venu mais le mâle qu'elle jugerait le plus à même de perpétuer l'espèce (selon son patrimoine génétique). Le fait de lui imposer un partenaire peut être de nature à entraîner une sorte de grossesse non désirée. Et pour cette raison, il n'est pas rare de voir une chienne avaler ses petits à la naissance si elle considère que leur patrimoine ne leur permettra pas d'être de bons représentants de l'espèce.
À noter : chez le loup gris, si le couple Alpha considère que les conditions de vie ne sont pas propices à la survie de petits, il peut renoncer à se reproduire, une ou plusieurs saisons de suite ; également, la présence trop accrue d'observateurs humains à la période des chaleurs peut suffire à ce renoncement.
La gestation
Pendant toute la durée de la gestation, les fœtus vont recevoir des signaux biologiques et sonores. Les modifications biologiques en lien avec l'environnement social de la chienne vont donc être perçues par les fœtus et influencer leur propre développement biologique. Si les chiots naissent toujours sourds, ils n'en perçoivent pas moins les sons qui sont avant tout des vibrations captées par le système nerveux tout entier. Or, celles-ci peuvent tout autant être enrichissantes que stressantes, en fonction de ce que la mère ressentira. Par conséquent :
- L'éducation des chiots commence dès la gestation en favorisant un environnement social et sonore riche et varié, mais surtout dans lequel la chienne se sent le mieux possible.
- Par exemple, si la chienne a peur de l'aspirateur, nous avons toutes les chances qu'elle le transmette à ses petits. Il ne s'agira pas de la peur de l'aspirateur en lui-même (l'objet), mais de la vibration sonore qui lui est associée.
La parturition
La parturition correspond à la mise bas, une étape cruciale que la chienne devrait pouvoir préparer le plus possible selon ses propres critères, sans intervention humaine. Les raisons peuvent être multiples :
- Comme au niveau de la reproduction, si la chienne ne sent pas ses petits en sécurité, elle peut les avaler.
- Notre présence, un endroit inadapté à son sens, un environnement inquiétant (sons, odeurs, mouvements) sont également des facteurs à même de générer des modifications biologiques que la chienne transmettra au moment de la délivrance. En outre, ces modifications s'ajouteront au stress de la naissance chez les chiots (passage d'un environnement sûr et confortable aux aléas et inconfort de la vie).
Développement cortical du chiot
Heureusement, le chiot naît « inachevé » au niveau de son développement cortical (cerveau), ce qui permet de relativiser les effets prénataux, sans éviter une certaine influence (parfois même des troubles neurologiques). Ainsi, le cerveau du chiot se développant principalement après la naissance, il sera relativement vierge d'informations négatives, voire à même d'en gommer ou limiter largement les effets (selon la notion de « résilience » expliquée par Boris Cyrulnik). Puis, c'est au cours des semaines suivantes qu'il va devenir un animal biologique et social complet. Notamment, ce développement a pour objectif de lui faire acquérir des compétences spécifiquement liées et adaptées à son espèce, une espèce sociale.
Les 3 phases du développement du chiot
On observe 3 phases principales dans le développement du chiot :
- La phase néonatale : les chiots naissent aveugles et sourds. Ne pouvant que ramper, ils sont seulement capables de trouver les mamelles. Ce n'est qu'aux environs du 14e jour que la vue est acquise permettant d'entrer dans une nouvelle phase.
- La phase de transition : elle dure environ 2 semaines, jusqu'à l'apparition des facultés auditives. C'est à ce moment-là que le chiot acquiert son sens de l'équilibre, commence à pouvoir s'asseoir, puis se tenir debout.
- La phase de socialisation : elle court en général de la quatrième à la huitième semaine. Elle est caractérisée par le développement de comportements exploratoires. Un déficit exploratoire (environnement pauvre en stimulations) à cette époque est un facteur de développement du syndrome du chenil (irréversible).
Ensuite, le chiot va entrer dans une période juvénile qui peut durer jusqu'à l'âge de 18 mois, en fonction de son développement cortical (appelée « myélinisation ») :
- Ce sont généralement les grands chiens qui ont le développement le plus lent.
- C'est là que va démarrer la phase des apprentissages, et non pas de socialisation qui, elle, sera faite ou non au cours des 4 semaines précédentes.
L'éducation du chiot passe par sa socialisation
Selon une étude menée par la biologiste Kathryn Lord, A Comparison of the Sensory Development of Wolves and Dogs,entre les 4 et 8 premières semaines de vie du chiot, il ne faudrait que 90 minutes pour pouvoir mettre en place une relation sociale fiable et pérenne entre l'homme et le chien, voire d'autres espèces et même des choses (voitures, vélos, aspirateur, etc.). Par conséquent, l'importance des conditions d'élevage et la responsabilité des éleveurs deviennent cruciales. Il faudra veiller plus particulièrement à certains aspects :
- C'est avant tout la chienne qui sera déterminante dans la socialisation, car c'est elle qui gère les comportements exploratoires de ses petits. Tous ses signaux (permission ou interdiction) seront prioritaires sur tous les autres, les nôtres en particulier. Ainsi, saisir la peau du cou d'un chiot ou d'un jeune et le secouer, parce que c'est comme cela que la mère fait, est une brutalité parfaitement inutile. Il faut laisser faire la chienne.
- Par ailleurs, la présence d'autres chiens sera aussi importante car c'est avec eux que les chiots vont apprendre la codification des relations, leur sens et leurs limites (inhibition à la morsure, évitement des conflits). C'est en ce sens que se définit la socialisation : acquérir les comportements sociaux propres à l'espèce. Si ceux-ci ne sont pas acquis à ce moment-là, il y aura peu de chances pour qu'un apprentissage y parvienne plus tard, sauf peut-être avec de la patience et du temps.
Ce n'est qu'ensuite que le chiot pourra développer avec nous les comportements et codes sociaux propres à une bonne communication entre lui et nous.
Les apprentissages du chiot
Principes de l'apprentissage
Bien sûr, pendant la période juvénile, le développement cortical continue ; la socialisation aussi :
- Un maximum d'interactions libres avec d'autres chiens sera toujours le meilleur moyen d'en développer la richesse d'expression. Il n'existera jamais de meilleurs éducateurs que d'autres chiens (eux-mêmes suffisamment sociables).
- Dans notre relation avec lui, la bienveillance portera toujours ses fruits alors que l'autoritarisme ou la punition ne feront que retarder un véritable apprentissage, fiable et pérenne.
C'est par l'observation que le chien apprend le plus, puis par un processus essai/erreur. En captant et renforçant les comportements attendus et en ignorant ceux qui ne nous semblent pas adaptés, nous pouvons être à même d'en faire l'être le plus doué et le plus sociable qui soit.
La propreté
Le chien peut-il être propre, quand et comment ? Il faut savoir que le bien, le mal, la propreté sont des notions parfaitement étrangères au chien. Cependant il est possible de lui apprendre la propreté, simplement parce que son système rénal peut le permettre (il a été conçu pour stocker et utiliser l'urine pour le marquage, et non pas pour l'évacuer). Si ce n'était pas le cas, il n'y aurait aucune chance d'avoir un animal propre dans la maison (un singe n'y parviendrait pas, par exemple, car son système rénal est très différent). Ainsi, l'apprentissage de la propreté chez le chiot suit les phases suivantes :
- Avant 3 et 4 mois (période où le système rénal est opérationnel), mieux vaut :
- privilégier des sorties fréquentes ou avoir une serpillière près de soi ;
- éviter les croquettes nécessitant l'ingestion d'eau (déshydratation) et favorisant ainsi la production d'urine (alimentation du chien).
- Par contre, dès 3 mois, plus vous le sortez dans des endroits fréquentés par d'autres chiens, plus votre chien se retient en vue du marquage. Et là le tour est joué ! Il vous suffit d'utiliser ce comportement naturel pour lui apprendre la propreté.
La solitude
Anxiété de séparation, comportements destructeurs, automutilation, certains symptômes sont souvent associés à une notion de solitude du chiot, et parfois de stress. Durant la période juvénile, et même quelquefois après, la solitude, plus précisément ce qu'elle induit, peut être douloureusement ressentie. Le chien étant toujours en apprentissage, la solitude le prive d'un avis faisant autorité (le nôtre, par exemple). En revanche, il va toujours être en phase d'essai/erreur et va essayer de trouver seul le comportement lui permettant de répondre, de son point de vue, à la situation à laquelle il est confronté :
- Si des personnes viennent régulièrement sonner à la porte de votre appartement en votre absence, le chien peut-être inquiet, voire apeuré, de ces sonneries et présences inconnues.
- Il peut se mettre, pour évacuer la tension, à avoir des comportements de substitution relevant de l'intervention d'un comportementaliste canin :
- détruire votre canapé et autres objets ;
- s'automutiler ;
- avoir uriné ou déféqué partout ;
- hurler à la mort dès votre départ,
- présenter des tremblements à votre retour, etc.
Ce n'est donc pas la solitude en elle-même qui sera un facteur de symptômes, mais le manque d'apprentissage à une période clé du développement du chien. Vouloir mener un apprentissage de la solitude à proprement parler est donc illusoire. Mieux vaut, par exemple, faire l'apprentissage de la sonnette, en présence de son maître. C'est d'ailleurs le véritable rôle de l'apprentissage : faire connaître un maximum de situations et de stimulations en favorisant le comportement le plus adapté.
À noter : le chien n'a pas peur de l'orage, mais c'est la baisse de pression atmosphérique associée qui peut causer une douleur importante au niveau de l'oreille interne, provoquant alors chez l'animal hurlements et destructions, contre lesquels aucun apprentissage ne pourra lutter.