Dominance et soumission du chien

Sommaire

Les croyances au sujet de la dominance et de la soumission du chien sont nombreuses. On dit parfois que tel chien est un dominant tentant d'imposer sa loi dans la famille. Ou encore, on préconise qu'il faut remettre le chien à sa place, le soumettre. Faisons le point sur ce sujet qui fait écho à la relation de l'homme au chien ou encore à son caractère d'animal domestique.

Dominance et soumission du chien : une longue relation avec l'homme

Pendant des milliers d'années, la vie n'a pas été plus facile pour l'homme que pour le chien, sauf pour quelques castes privilégiées :

  • La malnutrition était endémique. La nourriture suffisait à peine à nourrir les enfants, parfois réservée en priorité à l'homme qui en avait besoin pour assurer son labeur.
  • Les relations au sein des familles n'étaient pas toujours des plus tendres et les enfants contraints à travailler très tôt.
  • Les chiens eux-mêmes étaient avant tout des auxiliaires de travail, pas des bouches inutiles juste là pour amuser les enfants. Pourtant, on trouve des récits et légendes de relation très forte entre des hommes et leurs chiens (bergers, chasseurs, voyageurs, etc.) qui se seraient fait couper en morceau l'un pour l'autre.

Cependant, il n'y a jamais eu de trace de récits de chiens qui auraient pris le contrôle d'une maisonnée ou tenté de le faire. Et pour cause, le chien a été spécifiquement conçu, développé et sélectionné pour que cela n'arrive pas.

L'homme est dominateur, pas le chien

Toute l'histoire de l'évolution de l'homme a tendu vers la maîtrise de son environnement, sa domination. L'apogée de cette domination a été l'élevage et surtout la domestication. Et de toutes les espèces, le chien a été la première à être domestiquée, des milliers d'années avant toute autre. La domestication est en soi un processus :

  • De domination absolue de l'homme, d’assujettissement total de l'animal qui devient captif, sans autonomie, à son service unique.
  • Qui exclut la propagation de toutes caractéristiques qui remettraient en cause cette domination, par l'élimination des sujets les plus rétifs et la reproduction de ceux permettant leur contrôle, leur docilité, leur dépendance.

L'un des effets majeur de ce processus domestique a été l'amoindrissement du développement du cerveau du chien (1/3 en moins), limitant considérablement l'influence de ses origines sauvages. On ne peut dès lors pas concevoir qu'un chien, ayant été rendu, quasi génétiquement, dépendant, soumis à l'homme, puisse avoir des velléités de le dominer. D'autant que ce serait un cas unique dans le monde animal, jamais vu et jamais observé, qui irait à l'encontre de toutes les théories de l'évolution, sans aucune explication possible.

Dominance et soumission existent-elles chez le chien ?

Pas de domination interspécifique

Il n'existe pas, n'a jamais existé et n'existera sans doute jamais, naturellement, de domination interspécifique, c’est-à-dire entre des membres d'espèces différentes. Cela est totalement inconcevable du fait même que ces espèces sont en concurrence permanente pour leur survie. Elles sont ainsi, l'une pour l'autre, des proies, des concurrentes, des collaboratrices, des parasites ou juste insignifiantes. Il existe des formes de hiérarchie, très diverses d'ailleurs, chez les animaux sociaux. Et cela est vrai, pas au niveau de l'espèce entière, mais seulement au niveau de groupes d'individus de la même espèce, ceux-ci étant eux-mêmes en concurrence entre eux (ennemis). Qu'est-ce qui pourrait faire que le chien ait pu développer cette faculté avec l'homme alors qu'il ne l'a même plus avec ses congénères ?

Dian Fossey et les gorilles

On pourrait tenter de réfuter ces arguments en faisant, par exemple, appel aux travaux de Dian Fossey et son intégration parmi les gorilles en se soumettant à leurs codes, dont la dominance du mâle. Mais bien au contraire, cela en renforce la démonstration. En effet, c'est elle qui a voulu intégrer les groupes, pas les gorilles qui l'ont contrainte ou invitée. Elle n'a pas pu faire autrement qu'adopter leurs codes, au risque de se faire réduire en charpie. Or, la même chose se produit avec le chien : il n'a pas d'autre choix, s'il veut simplement sa pitance, que de se soumettre aux codes de l'homme ; et le code majeur c'est sa domination. Sinon il s'agirait juste d'un animal apprivoisé. Or, cela fait près de 15 000 ans que ce n'est plus le cas et rien ne peut en remettre en cause les effets.

Origine du mythe de la dominance

Ce qui a véritablement donné corps au mythe de la domination a été une étude réalisée par la Société allemande de la psychologie animale, créée par le parti Nazi, notamment dans l'ouvrage Cult of the Wolf décrivant la société comme devant être stricte et hiérarchisée, avec un chef absolu à qui l'on doit respect et obéissance, basée sur celle du loup. Le loup devient noble et sauvage, dur et impitoyable et seul le mâle Alpha (le Führer) a droit de tout sur tout. Bien d'autres symboles, pas seulement animaux, ont été détournés par cette idéologie afin d'affirmer sa supériorité sur les autres (races), comme l'aigle. Le problème est que cette vision totalement erronée du loup a perduré jusqu'en... 1989 et que l'image du berger allemand a tout aussi longtemps fait associer étroitement le chien à ce loup omnipotent, encore maintenant.

Meute, hiérarchie, domination

Si ce n'est qu'en 1989 qu'ont été officiellement et définitivement classées invalides et sans fondements les théories nazies sur le loup, d'excellents chercheurs en avaient bien avant proposé une toute autre lecture et étude. Celle-ci ne cesse d'émerveiller les observateurs tant elle est même loin de celle de l'imaginaire collectif, des contes, légendes et récits d'antan. Il s'agit d'une société animale extrêmement évoluée.

La meute

Tout d'abord, une meute n'existe qu'autour d'un but commun : la reproduction, la chasse, l'éducation et la défense des petits. Si un seul de ces critères manque, cela ne peut pas être considéré comme une meute. Ce sera simplement un groupe social avec ses propres règles ou non-règles. Une meute de chasse à courre ne peut donc pas être considérée comme une meute à proprement parler. Mais le langage courant en a attribué l'usage à toutes sortes de groupes, même humains. À partir de là, une meute de loups et une meute de hyènes n'ont rien en commun, et surtout pas du tout la même organisation.

La hyène

La hyène vit en meute pouvant compter jusqu'à une centaine d'individus défendant un territoire couvrant jusqu'à 1 000 km². Pour cela, la meute se subdivise souvent en sous-meutes gardant une portion particulière du territoire global :

  • Elle est dominée par une reine qui naît reine. C'est toujours une fille de la reine qui dominera la meute à son tour.
  • Par contre, les autres hyènes du groupe peuvent se reproduire entre elles.
  • La domination de la reine est absolue, toutes les autres doivent lui laisser la priorité en tout et sur tout. Par exemple, les hyènes d'une meute ne vont pas hésiter à se battre entre elles pour une charogne, mais la reine se la verra abandonnée juste en arrivant sur place (sous peine de mort).

En dehors de cette soumission absolue à la reine, il n'y a pas d'arbre hiérarchique spécifique au sein de la meute. Si elles sont redoutables en groupe, elles ne le sont pas moins entre elles, très agressives.

Le loup (gris)

Le loup (gris notamment) vit en meute de quelques individus, 15 en moyenne, en général la génitrice (louve Alpha) et plusieurs générations de ses petits. Le mâle Alpha, lui, est toujours d'origine extérieure au groupe, ce n'est jamais un loup de la meute qui devient Alpha. C'est la femelle Alpha qui l'accepte ou non, contrairement au lion où le combat des mâles fait accepter de facto le vainqueur par les femelles. Si la femelle Alpha refuse un mâle, c'est toute la meute qui s'en prendra à lui. De plus, on remarque le fonctionnement suivant :

  • Seul le couple Alpha se reproduit, pour éviter la consanguinité. Pour cela, le mâle et la femelle Alpha, à la période des chaleurs, empêchent la reproduction des autres membres, ce qui provoque la perte de l'ovulation chez les femelles et la baisse du taux de testostérone chez les mâles.
  • En dehors de cette priorité de reproduction, les relations au sein de la meute sont très cordiales et même très riches :
    • Tous les membres participent à la vie commune (chasse, défense des petits, éducation) en fonction de leurs capacités.
    • De nombreux comportements altruistes ont été observés chez le loup sauvage, comme la chasse d'un mâle Alpha apportée aux petits ou à un membre âgé.
    • L'inhibition à la morsure et l'évitement des conflits sont des règles fondamentales de l'éducation des louveteaux.
  • Enfin, le loup gris n'est pas territorial, il suit ses proies au fur et à mesure de leurs déplacements.

L'image du loup Alpha dominateur absolu est donc véritablement un mythe que rien ne corrobore au niveau de son observation.

Rapport du chien à la dominance

Le chien, un animal social dominateur ?

Il serait très improbable que le chien, de par son origine et sa domestication, soit plus proche des hyènes que du loup. Tout d'abord parce que le loup et le chien font partie des caniformes alors que la hyène est, quant à elle, un féliforme (classée avec les félins). De plus, il n'est pas concevable que le chien, comme tout autre animal, puisse envisager imposer sa domination à l'homme dans le but de se reproduire avec lui, ce qui est le cas du loup Alpha et même son objectif majeur. Cette vision erronée du loup Alpha, projetée sur le chien, tend beaucoup trop à occulter les comportements sociaux qui ont, eux, un but totalement autre et pacifique : assurer la cohésion du groupe.

Le chien, dominant agressif ?

Un chien qui se rue sur d'autres, toutes dents dehors et qui va même mordre, est souvent qualifié de dominant. Il n'y a rien de plus faux, surtout par rapport au loup. Un loup de la meute qui ferait cela à un autre serait aussitôt remis sévèrement à sa place, voire taillé en pièce par les autres s'il insistait. Cela est juste considéré comme un signe de non-socialisation ou désocialisation, ce qui est très courant du fait de la manière même que nous avons de « socialiser » les chiens.

Un risque de dérive vers la coercition

Ce qui est très dommageable, c'est que cette vision, cette appropriation « douteuse », soit le fondement de rapports conflictuels et de méthodes coercitives (punition, soumission du chien, collier étrangleur ou électrique, etc.), y compris de la part de professionnels. Lorsqu'une méthode dite « douce » ne fonctionne pas bien, il est courant d'entendre : « Alors c'est que le chien doit être un chien dominateur. » Cela fait pourtant plus de 30 ans que des éducateurs ou dresseurs, tel Ian Dunbar, Jean Lessard ou Barry Eaton, démontrent tous les jours qu'il est parfaitement possible d'agir tout autrement, avec beaucoup plus d'efficacité, à la condition expresse d'accepter un autre regard sur le chien. Contre la fausse « évidence » de la thèse du chien dominateur, des comportementalistes apportent cet autre regard.

Car au bout de la chaîne (littéralement...), le chien ne peut que subir et supporter toutes les conséquences de cette vision erronée. Et ce n'est pas peu dire. On remarque que :

  • Les effets de la coercition sont colossaux, même s'il serait trop long de les expliquer ici (troubles du comportement).
  • Il faut veiller à ne pas projeter sur son chien un désir d'omnipotence refoulé.
  • Par ailleurs, avec un petit peu de recherche et d'exigence, vous trouverez des professionnels parfaitement à la hauteur (sur ce site, par exemple) et ces effets n'auront dès lors aucunement lieu d'être craints ou envisagés.
  • Enfin, nul professionnel ne peut ou ne doit vous obliger à agir de manière coercitive avec votre chien, pas même tirer sur son collier. Soyez intransigeant(e) sur ce point !

Dominance et soumission : le chien opportuniste

Comme le disait Barry Eaton dans Dominance, mythe ou réalité : « Les chiens auraient-ils le projet secret de prendre l'ascendant sur nous ou bien sont-ils tout simplement des opportunistes qui profitent de certaines situations ? » Ce propos constitue sans aucun doute la vraie réponse à cette idée de dominance/soumission. Si effectivement le chien peut être redoutable, c'est bien dans cette faculté opportuniste de vouloir et pouvoir, souvent, profiter d'une situation pour en obtenir un bénéfice. Cela peut être un inconvénient qui ne pourra toutefois jamais justifier un quelconque rapport dominant/dominé, mais c'est aussi un formidable avantage qui peut devenir une excellente base d'apprentissage.

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